La communication peut-elle être responsable?

Écoutez cette conversation avec Cécile Ribour si vous voulez entendre parler de communication engagée, de transparence, de cohérence, et du lien entre communication responsable et responsabilité… le tout dans le contexte particulier mais inspirant des entreprises de l’ESS. Une conversation avec Hubert Callay d’Amato.


Cécile Ribour a été consultante au sein de plusieurs grandes agences telles que Guillaume Tell, Publicis Consultants RH ou W&Cie avant de devenir Directrice de la Communication de la MAIF en 2017.

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Cet épisode a été conçu et réalisé par Paroles de Leaders pour en partenariat avec Dunod à l’occasion de la publication a 9e édition du Communicator, l’ouvrage de référence sur les métiers de la communication. Les podcasts et de vidéos produits par Paroles de Leaders constituent la version augmentée de l’ouvrage, « Toute la communication pour un monde plus responsable », à retrouver sur le site de Dunod.

Dunod Communicator Paroles de Leaders ExtraMile

Transcription

Hubert Callay d’Amato : Bonjour Cécile. On parle beaucoup de responsabilité et de communication responsable, peut-être plus encore aujourd’hui alors que nous sommes impactés de plein fouet par une crise mondiale qui est celle du COVID-19, et à un moment où les entreprises se questionnent plus que jamais sur leur rôle dans la société. Ma question porte donc sur la définition que l’on peut donner de la communication responsable. On parle aussi souvent d’entreprise responsable, de marque responsable, est-ce qu’on peut établir des liens entre ces différentes notions ?

Cécile Ribour : Ce qui est sûr c’est que la crise actuelle a contraint les entreprises à revoir rapidement et en profondeur leur communication à la fois en termes de contenu et de tonalité. La question qui s’est posée est presque celle de la décence. Est-ce que je peux continuer à faire de la réclame ou de la promotion en essayant de tirer profit de la crise à l’heure où la priorité s’est vraiment recentrée sur la vie humaine, sur la protection de soi, de ses proches, et des uns et des autres en général 

Hubert Callay d’Amato : C’est un changement de priorité du coup.

Cécile Ribour : C’est un vrai changement de priorité. En tout cas du point de vue aussi des personnes, et ça c’est important, les entreprises pouvaient pas être en décalage par rapport à cette prise de conscience générale et à ce rétablissement des priorités avec l’humain tout d’abord. Du coup la période a surtout mis en lumière et a souligné la question de l’utilité des marques, quel était leur rôle dans la société, quels étaient leurs engagements auprès des consommateurs.

Cette évolution de la posture des entreprises a forcément eu une incidence sur la manière dont les entreprises et les marques se sont mises à communiquer pendant la crise. C’est une évolution qui évidemment s’inscrit au long cours. On est passé d’une communication sur la RSE, sur ce que faisait l’entreprise en matière de responsabilité sociétale et environnementale à une forme de communication plus engagée qui repose forcément sur la sincérité, la transparence et la cohérence avec ce qu’est et ce que fait l’entreprise. Je pense que la période actuelle a ouvert une nouvelle étape et qu’aujourd’hui parler de communication responsable est indissociable du sujet de la responsabilité de l’entreprise. Par responsabilité j’entends sa capacité à prendre sa part des enjeux sociaux, environnementaux et économiques nous sommes confrontés.

Hubert Callay d’Amato : Ça veut dire que certaines entreprises étaient un peu dans l’imposture pendant longtemps. Quand on a parlé de communication RSE, est-ce qu’on était pas un peu dans l’affirmation et dans la prétention, mais pas trop dans la preuve ?

Cécile Ribour : Je dirais plutôt qu’on est passés d’une prise de conscience qu’il fallait limiter l’impact qu’on avait sur notre environnement à une recherche active d’un impact positif. C’est la démarche dans laquelle la MAIF s’est engagée, devenir une société à missions qui traduit notre volonté d’affirmer et d’inscrire dans nos statuts que l’entreprise poursuit un objectif qui est plus large qu’elle-même, celle de contribuer au mieux commun et d’avoir un impact positif sur son environnement. Le rôle de la communication est bien alors de porter un discours qui est totalement aligné sur les actes.

Hubert Callay d’Amato : Est-ce qu’une entreprise comme la MAIF, du fait de son modèle, a une facilité ou peut-être même une prédestination pour s’engager dans cette voie ? 

Cécile Ribour : La notion d’engagement est inhérente à la constitution de la MAIF qui a été fondée en 1934 sur un modèle basé sur l’entraide et la solidarité entre ses membres. La démarche d’entreprise à missions s’inscrit naturellement dans cette lignée. De là à dire que c’est plus facile, le principe même de cette démarche est de nous contraindre, de nous fixer un niveau d’exigence et des objectifs. Il y a un phénomène d’évaluation par un organisme externe, donc c’est tout sauf une recherche de simplicité. Ce qui est plus évident c’est qu’on a pas à pivoter et à transformer complètement notre business model puisqu’il est déjà basé sur des engagements extrêmement forts vis-à-vis à la fois de nos sociétaires et de la société en générale.

Hubert Callay d’Amato : Et si on veut faire le lien entre marque responsable et communication responsable ?

Cécile Ribour : La marque responsable est une façon de dire que finalement la marque a intégré des caractéristiques d’image et des attributs qui relèvent d’une approche à 360 en intégrant notamment ces parties prenantes, des engagements qui lui sont propres. La communication responsable effectivement met en œuvre à la fois la stratégie de l’entreprise, met en musique toutes les composantes de la marque et a un aspect métier qui est aussi clé dans la manière d’exercer notre métier de communicant.

Hubert Callay d’Amato : On parle souvent d’éthique de la communication. Très concrètement dans votre travail de dircom, ça se matérialise comment ? 

Cécile Ribour : Le besoin d’éthique dans la communication se traduit par la responsabilité que nous avons notamment dans le contenu qu’on va diffuser, les messages qu’on va pousser, identifier les impacts qu’ils peuvent avoir sur le public et être légitime par rapport à ce que fait l’entreprise. C’est le premier point. 

Ensuite je suis convaincue que la communication a aussi un rôle dans l’évolution des comportements des publics et de l’entreprise, que ce soit ses collaborateurs, ses clients et même au-delà. Elle peut encourager à réduire la production des déchets, encourager le recyclage, inciter par exemple à l’usage des mobilités douces, à modifier ces modes de consommations ou à promouvoir une société plus juste, plus solidaire, plus inclusive. Je pense qu’on peut faire tout ça à travers des contenus qui vont porter ces engagements à travers même son propre cœur de métier. On peut également véhiculer cette forme de responsabilité dans la communication à travers des partenariats, notamment sportifs 

Par exemple à la MAIF on a fait de ce positionnement le fer de lance de nos partenariats sportifs.

Hubert Callay d’Amato : Est-ce que les parties prenantes, aussi bien internes qu’externes, participent au travail d’élaboration du plan de com et à sa mise en œuvre ? Vous parliez d’embarquer un petit peu tout le monde. Comment ça marche ? Est-ce que c’est faisable ? Est-ce que vous le faites ? 

Cécile Ribour : C’est un principe effectivement quand on parle de communication responsable, de la même manière quand on va parler d’entreprise responsable, c’est bien une notion qui appelle à une intégration au plus près de ces parties prenantes. La construction à la fois d’un dialogue mais de solutions de produits et de services avec l’ensemble de ces publics. Si on l’applique au domaine de la communication, ça veut dire également qu’on va chercher à être au plus près des préoccupations, des centres d’intérêts, des parcours, des usages de nos lecteurs, et nous c’est quelque chose qu’on fait beaucoup. Que ce soit en communication interne pour l’élaboration de l’ensemble de nos supports, de nos événements, on intègre des managers qui vont être les rédacteurs en chef des supports qui leurs sont dédiés, ils vont également être co-constructeurs de tous les évènements qui leurs sont dédiés à la fois sur le contenu, sur les modalités d’échange avec par exemple la direction générale. On fait également pas mal d’ateliers avec nos sociétaires pour vérifier l’adéquation entre ce qu’on leur envoie en termes de support, la fréquence, ou également en termes de tonalité avec ce qui leur convient le mieux 

Hubert Callay d’Amato : Ça c’est le fruit d’une évolution ? Est-ce qu’il y a eu un plan, une stratégie, une démarche avec un timing ?

Cécile Ribour : C’est une démarche que l’entreprise a engagée il y a déjà quelques années en commençant par l’interne. On travaille beaucoup sur le sujet de symétrie des attentions, cette logique de co-construction de dimension participative en se disant que la meilleure façon d’arriver à une solution est de la bâtir avec les gens qui vont l’utiliser. C’était un parti pris qui vaut aussi en interne. Notre organisation du temps de travail actuelle a été bâtie en co-construction avec quasiment tous les salariés de l’entreprise et les organisations syndicales.

Finalement la communication, y compris avec nos publics externes, s’inscrit aussi dans cette démarche-là, dans cette culture-là. Puis je pense que de toute façon en communication avec l’arrivée et le développement des réseaux sociaux, cette forme de dialogue permanent avec nos parties prenantes s’est lui aussi imposé.

Hubert Callay d’Amato : C’est donc la convergence du contexte technologique entre guillemets, la digitalisation de la société tout entière, et de votre souhait d’un écosystème, y compris dans la conception et la création des plans de communication.

Cécile Ribour : Oui. Je pense qu’au-delà même des technologies qui rendent effectivement le travail collaboratif beaucoup plus simple, ça repose quand même sur un principe d’ouverture et de transparence, et surtout de volonté de dialogue avec ses publics. Ce qu’on peut faire également sans bénéficier de toutes les technologies. Après si on ne souhaitait pas le faire, je pense que les réseaux sociaux de toute façon imposent à toutes les entreprises d’ouvrir ce dialogue.

Hubert Callay d’Amato : Finalement après quelques années de pratique, est-ce que c’est plus compliqué ou c’est finalement plus simple, ou ça demande peut-être plus de travail je ne sais pas, de construire de la communication en mode participatif ? 

Cécile Ribour : A titre personnel, je suis persuadée que c’est beaucoup plus efficace à la fois en gain de temps et même en intérêt. Fonctionner de manière interactive avec ses publics permet d’éviter de travailler en chambre pendant 8 mois et demi et de sortir un produit, un support, un dispositif qui peut tomber à côté parce qu’il a pas été pensé pour et avec ces publics.

Hubert Callay d’Amato : Est-ce que cette éthique de la communication et cette façon participative de construire la communication a un impact sur la partie plus RH, gestion des carrières ou embarquement des publics internes ? Est-ce que ça change quelque chose à la façon dont on espère que les individus se développent au sein de l’entreprise ? 

Cécile Ribour : Cette volonté d’aller dialoguer et de travailler avec nos parties prenantes relève d’une démarche globale. C’est un des volets de la communication responsable, qui est comment est-ce qu’on s’applique à nous-mêmes communicants cette volonté d’avoir un impact positif sur notre environnement, sur la société au travers de notre activité. A la MAIF ça s’inscrit très naturellement dans cette volonté dans toute l’entreprise et dans l’ensemble des activités de poursuivre cet objectif. Pour nous communicants, on a pris le sujet à bras le corps. C’est à la fois un objectif qui est partagé entre toutes les équipes, c’est également un vrai levier de dynamique interne, un objet de fierté puisque les équipes de communicants sont extrêmement engagées et sont très enthousiastes à l’idée de poursuivre ensemble ce chemin. Evidemment on est pas au bout, il y a énormément de choses à faire. Les équipes se sont rassemblées en fonction des différentes typologies de levier sur lesquels elles pouvaient agir. Il y a une équipe qui travaille sur le print responsable, comment on peut limiter l’impact, travailler mieux, avec quelle filière, quel type d’encrage, c’est une partie qui va jusqu’à la technique. On parle aussi là de distribution. On travaille également sur la partie digitale. Quel est le poids de nos productions vidéo sur l’année ? Quel est le poids des flux ? Comment est-ce que les outils sont conçus ? On travaille à développer des outils digitaux low-tech. On veille à l’accessibilité des sites, on veille à une forme de responsabilité par rapport au contenu qu’on émet. On a une équipe qui travaille aussi sur les contenus, leur délivrabilité, la simplicité avec laquelle on s’adresse à nos publics, qui est aussi un élément clé de responsabilité. On a une équipe qui travaille sur le sujet de l’événementiel avec des logiques d’expérimentation. En interne on a déjà mis en place des événements totalement éco-conçus, que ce soit pour le traiteur, le mobilier, la décoration, la musique, en privilégiant des circuits courts et surtout en intégrant des partenaires locaux très en amont dans la conception de l’événement pour arriver par exemple à un événement zéro déchet où le tri est fait sur place, il n’y a rien de jetable. C’est permis parce qu’on a aussi – et donc je pense que le sujet de l’écosystème est très important parce qu’on travaille avec un grand nombre de partenaires, qu’on va les sélectionner aussi pour leur capacité à nous accompagner sur ce genre de défi. On sait appliquer aussi cet objectif dans des événements externes. Je pense au MAIF Ekiden, c’est un marathon relais qui a eu lieu à Paris en novembre dernier, où là aussi on a travaillé sur l’ensemble de la chaine pour s’assurer que le ravitaillement soit fait en vrac, qu’il n’y ait rien de jetable, qu’il y ait du recyclage des textiles. Les événements sportifs sont justement des gros consommateurs de textile.

Hubert Callay d’Amato : Concrètement comment ça se traduit avec une autre partie prenante assez évidente qui sont les clients de la MAIF ? Ce sont les assurés.

Cécile Ribour : Ce sont des sociétaires à la MAIF, puisqu’à la MAIF nous n’avons pas d’actionnaires et que chaque personne qui est à la MAIF participe à la vie démocratique et du collectif de la mutuelle.

Concrètement, une communication qui va encourager l’évolution des comportements, c’est s’attacher à pousser ce type de message, y compris quand on fait de la publicité par exemple pour une assurance auto, où on va s’attacher à proposer à nos sociétaires de faire réparer leur voiture suite à un sinistre avec des pièces issues des filières recyclées, pour lutter contre la surconsommation. Ça suscite évidemment d’avoir construit une filière de recyclage et non pas de démolition. Ça nécessite d’encourager nos garagistes à proposer ces services, et ça veut dire aussi encourager nos sociétaires à aller demander eux-mêmes à utiliser des pièces recyclées. On est bien au cœur de ce qu’est la relation de la MAIF avec ses sociétaires. C’est à la fois une relation qui est basée sur la confiance, puis une forme d’engagement commun. On voit que c’est des sujets qui sont extrêmement importants pour nos sociétaires, ils nous suivent voire ils nous précèdent sur certains points. On a un véritable alignement entre les engagements qu’on va pousser et qu’on va essayer de pousser y compris dans nos produits, et c’est pas si évident que ça quand on est un assureur de dommages. Un alignement entre ça et la volonté de nos sociétaires de participer à une évolution dans les comportements. Aller vers plus de consommation responsable, c’est quelque chose qui nous tient très à cœur et pour nous c’est clé.

Hubert Callay d’Amato : Le métier de communicant c’est évidemment inventer, créer, imaginer, relier des choses qui sont pas forcément reliées entre elles. A un moment il faut un backup, il faut que le top management soit embarqué.

Cécile Ribour : On l’a évoqué un peu avant, la communication est avant tout le reflet d’une stratégie d’entreprise. Quand on parle d’un engagement tel qu’aller vers société à missions, il est forcément lié à une vision et une volonté extrêmement forte des dirigeants, puisqu’il impose la mise en mouvement de l’ensemble de l’entreprise avec des engagements qui vont être concrets, qui vont être évalués avec des indicateurs et des feuilles de route. Donc c’est un point clé. Sans cet engagement des dirigeants je pense que c’est très compliqué de se dire que c’est la communication seule qui va faire bouger le reste de l’entreprise.

En parallèle, si on veut pour se dire qu’on va chercher à avoir un impact positif à travers nos activités, il faut aussi laisser l’initiative aux personnes de pouvoir s’emparer des sujets. C’est le cas à la MAIF, on a une culture interne qui prône l’autonomie et qui laisse les gens proposer, inventer, imaginer, créer, tester, puisqu’on a pas forcément aujourd’hui toutes les réponses. Je pense qu’aujourd’hui c’est nécessaire si on veut avancer. Ça peut pas venir que du haut, on doit aussi avoir la possibilité de laisser chacun tenter des avancées à son niveau. 

Hubert Callay d’Amato : Merci beaucoup Cécile pour votre point de vue et ces éclairages sur la communication responsable mais aussi sur la responsabilité de la communication.

Sur ces sujets je vous renvoie bien évidemment à la toute nouvelle édition du Communicator publié aux éditions Dunod en juin 2020.

A très bientôt sur Paroles De Leaders.

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